Eclaircissements

Mars 1716, Île de la Nouvelle Lande, par un après-midi ensoleillé.



Adolf eût vent que de nouvelles lois seraient proposées et écrites par Kiduba, et qui par la suite seraient proposées au conseil des officiers en vue d'une validation.
Ne se considérant plus comme n'importe quel matelot lambda, il décida de se rendre auprès de Le Sabreur Jaune afin d'en discuter. Adolf l'avait surnommé ainsi, après avoir observé à maintes reprises avec quelle aisance celui-ci maniait mortellement ses sabres.
Son fait d'arme le plus récent, et probablement un des plus impressionnant en matière de combat rapproché, remontait à leur dernière mission lorsqu'ils fûrent envoyés pour sauver le dauphin du Roi de France. Adolf avait, une fois encore, été témoin de l'aisance avec laquelle il maniait ses sabres, et découpa en deux de manière net une montagne de près de 6 pieds et demi, armé d'une hache géante, qui, doté d'une force peu commune, fauchait les soldats comme l'on faucherait du blé lors de la récolte saisonnière.


Se rendant près des habitations construites par les femmes pendant l'absence des matelots, afin de les protéger du froid et de la pluie, il vit Alix sortir de ce qui servait actuellement de salle du conseil, pâle comme un linge blanc et qui bredouillait quelque chose qui ressemblaient fort à des excuses. Il se dit que Kiduba était probablement là-bas, et s'y rendit d'un pas pressé.

Il trouva Kiduba assis sur une chaise devant une table remplie de divers parchemins, certains froissés d'autres non, en train d'articuler quelques étranges mots - probablement du japonais - d'un ton qui semblait guère très poli.

- Je dérange ? s'enquit Adolf
- *(en japonais)Mais les gaijins vont tous venir un par un..." Que veux-tu, Ado-lephe ? maugréa Kiduba, en jetant un regard noir à son visiteur
- J'ai eu vent des ces "règles" que tu souhaites rédiger, afin que tous puissent les lire et puissent s'y référer en cas de litige et d'absence du capitaine. Je souhaiterais y proposer ma relecture afin de donner mon avis. Je ne suis qu'une vigie et ne suis actuellement guère considéré comme un officier, mais je souhaiterais que cela change.
- Alors il faudra que cela change avant que tu regardes les règles. On pourra en reparler lors du prochain conseil. Mais qu'est ce qui te fait croire que tu pourrais devenir officier ?
- Cela fait plus d'un an que je navigue à vos côtés, je vous ai toujours été fidèle et serviable. Mes qualités de fusiliers ne sont pas à remettre en doute, au même cas que tes qualités de sabreurs, et j'ai participé à toutes les expéditions dangereuses ainsi que nommé "Chevalier" par le Roi de France, au même titre que vous.
- Être officier, c'est agir pour le bien de l'équipage. Et maintenant, du peuple de notre île.  Quand je vois ta lâcheté et ta couardise dans la caverne, j'aurais peur de mettre le destin du navire entre tes mains si le capitaine ou moi tombions raides mort lors d'un combat.

- Vous n'avez pas cru en mes avertissements. Alors que je vous ai prévenu de ce qui allait arriver, maugréa Adolf, soudain sur la défensive.

Kiduba se leva, et regarda la vigie avec l'air sévère. Mais pas ce visage habituel et fermé,  plutôt celui d'un professeur qui s'agace qu'une leçon soit encore à refaire.

- Je te l'ai deja dit. Je crois en tes intuitions. Elles se sont révelées trop souvent exactes pour n'être qu'un coup de chance. Tu es peut-être un de ces élus que les Kamis portent en estime, ou peut-être qu'une ubume voit toujours en toi un grand enfant et veut te protéger. Mais ce n'est pas parce que tu pressens le danger mieux que nous qu'il faut le fuir comme un lache.

- JE NE SUIS PAS UN LÂCHE ! dit Adolf en haussant le ton. Je sentais qu'un problème allait arriver, et je ne tenais pas à me faire capturer avec vous si une bande de sauvages débarquaient et vous faisaient prisonniers. Qui aurait alerté l'équipage pour tenter de vous sauver ? Ne me dit pas que tu faisais confiance à ces poltrons plantés devant l'entrée de la caverne, pour aller chercher du renfort. C'est pour cette raison que je me suis retiré en me faisant passer pour un lâche, pour pas que vous ne me trahissiez en cas de capture, à force de regarder derrière vous comme des idiots pour tenter de m'apercevoir, si vous me saviez en arrière-garde.
- Et au lieu d'être ensemble, nous étions séparés de plusieurs pas. Si nous avions été pris par derrière, tu te serais fait exécuter, et nous aurions perdu notre meilleur tireur. En plus, au lieu de faire front ensemble, tu nous a fait penser que nous étions seuls. Pour moi, ce n'est pas un problème. Mais avec un groupe d'hommes, tu aurais pu créer deux clans, et briser le moral de tous.

Kiduba montra alors le tas de feuilles sur la table.

Mais ce n'est pas le moment de parler de tout cela. Il me reste beaucoup a faire. Pour ta position, nous en discuterons lors du conseil, ce n'est pas mon rôle de promouvoir quelqu'un, mais celui du capitaine en accord avec les hauts gradés. Viens demain soir pour l'adoption des nouvelles lois, et nous verrons si nous décidons d'étudier ta demande avec le capitaine.
- Bien, mais je propose que vous discutiez d'abord de mon cas, ainsi, si je suis élevé à un grade d'officier, je peux donner mon avis lors de l'approbation de vos lois.
- Nous verrons. Mais sache qu'une vigie n'est rarement considérée comme un officier pour son poste. Il te faudra sans doute prendre d'autres responsabilités, en plus de celle que tu as déjà. J'y réfléchirai, mais je te conseille de faire de même. En attendant, j'ai à faire., lui lança sèchement Kiduba en tendant son bras en direction de la porte sans même lever les yeux du parchemin qu'il rédigeait.


Adolf redescendit dans la crique en bas de la falaise, enleva sa chemise et ce qui lui servait de pantalon court, et plongea dans l'eau afin de se changer les idées. Il se demandait si Kiduba avait été sérieux en disant qu'il aborderait le sujet avec le capitaine et les autres officiers, où s'il avait juste dit ceci afin de se débarrasser momentanément de lui afin d'être tranquille pour continuer sa rédaction. Pourtant, au fond de lui, il sentit que Kiduba n'avait pas forcément menti à ce propos, sinon pourquoi lui aurait-il donné l'ordre de se rendre à la salle du conseil le lendemain, lors du vote et de l'approbation des nouvelles lois ? La chose resta trouble dans son esprit, et il ne put que partiellement trouver le repos cette nuit-là.

Une fois Adolf sorti, Kiduba reprit son ouvrage pendant une dizaine de minutes. Sa concentration affaiblie, il finit par lacher l'affaire et se lever. Repassant dans la salle principale, il trouva Adrien, Lena, Big Jack et Maria autour d'une table. Plusieurs matelots étaient aussi présents dans la salle, a se torcher au rhum frelaté. Il croyait reconnaitre l'ombre de Zaid, dans une alcôve, discutant avec Anoki et les experts artisans du navires.

"Dites, capitaine. Je viens de voir Adolf. il veut devenir officier... rien que ca. Cela ne me parait pas idiot, étant donné son expérience sur le navire... mais je ne pense pas qu'une vigie puisse etre officier".
Il saisit un verre sale, et le remplit de gnôle
"Vous le verriez, vous, en officier ?"

Adrien tourna la tête en voyant arriver Kiduba et se décala pour lui faire une place autour de la table. Il eu l'air surpris en entendant les mots du japonnais.

Officier? *Il eu un petit rire* Hé bin... lâche mais pas dénué de bon sens... Une vigie officier! On aura tout vu Tu crois pas qu'on a déjà un équipage assez farfelu comme ça?
Bon, plus sérieusement, je suis pas chaud. Pour trois raisons: d'une part, il n'a pas un poste qui lui permet de prétendre à un tel rang. Il nous est certes très utile, c'est indéniable, mais bon nombre de nos matelots le sont. Par ailleurs, sa réputation le précède... en bien comme... en moins bien. Ce navire n'est pas une prison, qui veut partir est libre de le faire de manière honnête et courtoise. Ce n'est donc pas en soit un problème si, à nouveau, le vent le pousse à changer d'équipage. En revanche, cela deviendrait nettement plus gênant si l'un de nos officier se fait la belle.
Pour finir, sa lâcheté lors de notre escapade dans la grotte m'a déplu. Plusieurs de nos matelots auraient sans aucun doute également tremblé de peur mais je doute que beaucoup se serait permis de désobéir ainsi. Un officier doit faire passer le groupe avant son propre intérêt et il n'a clairement pas fait montre de cette qualité, nous abandonnant à notre sort pour sauver sa peau.

Tiens à ce propos.... n'avions nous pas dit que sa solde serait modérée pour ce comportement peu adapté?

Et toi, ton avis?
Big Jack?

Moi, je pense qu'une vigie n'est pas un rôle d'officier et je suis d'accord sur sa lâcheté. Ce serait prendre une grand risque que de lui donner des hommes a diriger, s'il fuit dés que le vent se leve.

Mais je pense qu'il a déja montré suffisamment d'utilité et d'intuition pour qu'on l’écoute. Officier, non.

Mais membre du conseil, pouvant prendre par aux décisions, au même titre que le vieux Francis, pourquoi pas ? T'en pense quoi, Big Jack ?

“Zaid tu as entendu? Adolf veut devenir officier, à mon avis il ne le sera pas, c'est un lâche.”

Kiduba sourit, en entendant les mots d'Anoki. (Perception 8!)
Tout en regardant Adrien dans les yeux, il désigne Anoki et Zaïd du menton.
"On peut toujours demander a ces deux la. Après tout, ils ont déja pu vivre un moment avec notre vigie. Et ils feront de bons représentants de l'avis de l’équipage"

Il apostrophe le maitre coq et le chef de piece. "Eh, vous deux. Ramenez-vous par ici."

Dés que ceux-ci arrivent a portée de voix basse, il leur pose la question a brule-pour-point.
"Qu'est ce que vous pensez d'Adolf?"

Big Jack haussa les épaules et pris le temps de réfléchir à la question du second. Quoique bourru, c'était le genre d'homme qui prenait rarement une décision à la légère.
"J'en pense... J'en pense qu'on d'vrait pas filer des postes juste parce que les gens l'demandent. Mais j'en pense aussi qu'on n'a pas d'maître d'équipage..."
Jetant un rapide coup d'oeil à son capitaine, il précisa :
"J'parle de quelqu'un qui gère la manoeuvre, comme Kiduba gère les canons. Pour l'instant j'm'en charge par défaut, mais c'pas vraiment mon rôle.
L'imposant quartier-maitre eructa, puis se rinça la gorge d'une bonne rasade de rhum avant de continuer.
"Van Hafen est pas plus bête qu'un autre et il connait plutôt bien sa marine. C'la dit, s'il veut ce poste... j'dirais qu'il faut qu'il le mérite. Testons-le, cap'taine. Lui et d'autres tant qu'a faire, on peut dire aux matelots qu'le poste est ouvert, voir qui est volontaire, et les mettre à l'épreuve.
Avec un grognement, il ajouta :
"Récompenser l'mérite au lieu d'autre chose... m'semble que c't'un peu not' principe, non ?"

"Adolf en Bosco?
T'as pas peur qu' il te pique un peu ta place, Jack? "
Devant l'air agacé du vieux loup de mer, Kiduba reprima l'esquisse de l'ombre d'un sourire.
"Cela fait tellement longtemps qu'il n'y a pas eu un maître d'équipage sur ce navire que la plupart doivent croire qu'il s'agit d'un terme technique pour le quartier-maitre.
Et tu aurais le temps de le tester et de le former? Lui et ceux qui le demandent?"

Adrien sourit.

"Tu n'es décidément pas quartier-maître pour rien Big Jack! C'est une bonne idée. Faisons le tour des postes à responsabilité vacants et de les annoncer à l'équipage. Et laissons les volontaires faire leurs preuves."